L’Afrique du Sud accuse le Rwanda face à un conflit en RDC qui s’intensifie.
- Thomas Viarnaud
- 7 févr.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 févr.
Avec la prise de Goma, la plus grande ville de l’est de la République démocratique du Congo, par les rebelles du M23, 23 soldats sud-africains stationnés dans la région ont perdu la vie. En réponse, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a accusé le Rwanda d’alimenter le conflit. L’escalade a également déclenché une grave crise humanitaire, qui a déplacé des milliers de personnes alors que la violence s’intensifie.

Contexte du Conflit
Le M23, ou Mouvement du 23 mars, est un groupe rebelle congolais dirigé par des Tutsis. Il s’est formé en 2012 lors de la rébellion du M23 (2012-2013) contre le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC). Le mouvement tire son nom de l’accord de paix du 23 mars 2009, signé entre le gouvernement congolais et un groupe rebelle précédent, mais dont l’application a été jugée insuffisante par certains combattants.
Basé dans l’est de la RDC, le M23 opère principalement dans la province du Nord-Kivu, à la frontière de l’Ouganda et du Rwanda. En plus de ses objectifs militaires et politiques, le groupe poursuit également des intérêts financiers, générant environ 800 000 dollars par mois grâce au commerce du coltan dans la région.
Le chef des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, a déclaré : «Il ne fait aucun doute que des troupes rwandaises sont présentes à Goma pour soutenir le M23.»

Ce n’est pas la première fois que ce conflit éclate. Le 20 novembre, le M23 a également pris le contrôle de la ville de Goma. Cependant, celle-ci a été reprise par les troupes congolaises et les forces de l’ONU à la fin de l’année 2012, aboutissant à un cessez-le-feu en 2013.
Le conflit ne s’est pas arrêté là. En 2022, le M23 a lancé une offensive et s’est emparé de la ville frontalière de Bunagana. Aujourd’hui, l’offensive a repris avec le soutien des Forces de défense rwandaises (jusqu’à 4 000 soldats rwandais opéreraient en RDC, renforçant les accusations d’implication militaire directe), entraînant la mort de 23 membres des forces de maintien de la paix de l’ONU opérant sous la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en République démocratique du Congo (SAMIDRC).

L’implication de l’Afrique du Sud
Après la mort de 13 soldats sud-africains dans le conflit, le président Cyril Ramaphosa a accusé son homologue rwandais, Paul Kagame, d’alimenter la violence dans la région.
Ramaphosa a déclaré : « Une escalade du groupe rebelle M23 et de la milice des Forces de défense rwandaises (RDF) affronte les Forces armées de la RDC (FARDC) et attaque les soldats de la paix de la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en République démocratique du Congo (SAMIDRC). »
Il a également appelé à « une cessation immédiate des hostilités, un retrait des forces étrangères du territoire congolais, l’annulation des gains territoriaux du M23 et la reprise des négociations de paix dans le cadre du processus de Nairobi. »
En réponse, Paul Kagame a rejeté la responsabilité sur l’Afrique du Sud, déclarant : « Les Forces de défense rwandaises sont une armée, pas une milice… La SAMIDRC n’est pas une force de maintien de la paix et n’a pas sa place dans cette situation. Elle a été autorisée par la SADC en tant que force belligérante menant des opérations de combat offensives pour aider le gouvernement congolais à lutter contre son propre peuple, aux côtés de groupes armés génocidaires comme les FDLR, qui ciblent le Rwanda tout en menaçant de porter la guerre sur son territoire. »
Il a ajouté que « le Rwanda répondra à toute confrontation avec l’Afrique du Sud. »
Ces échanges tendus mettent en évidence les profondes divisions sur la gestion du conflit. Tandis que Kagame s’oppose à l’intervention de l’Afrique du Sud, Ramaphosa dénonce la présence militaire du Rwanda en RDC. Toutefois, l’Afrique du Sud a également la responsabilité diplomatique de rechercher une résolution pacifique à cette crise grandissante. Alors que la situation prend de plus en plus l’allure d’une invasion, il est essentiel que l’Afrique du Sud reste engagée afin de prévenir un conflit plus large entre nations africaines.

Impact Humanitaire
Ce conflit est également catastrophique pour la situation humanitaire déjà désastreuse. Il a contraint 4,6 millions d’habitants à fuir vers des zones plus sûres, dont 400 000 déplacés rien qu’en 2025, et a donné lieu à des atrocités terribles dans la région. Résoudre ce conflit est donc non seulement crucial pour des raisons diplomatiques, mais aussi pour les populations locales qui ont grandi dans cette région et qui se retrouvent aujourd’hui coincées dans le feu croisé.
De plus, la situation a gravement entravé tout développement potentiel dans la région, car la population est incapable de travailler ou d’innover alors que sa vie est constamment menacée. En pleine guerre, toute collaboration devient impossible. Avec des combats susceptibles de se propager à d’autres régions, encore plus de pays pourraient être affectés.
Réactions Internationales
Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a déclaré : « Cette offensive a un impact dévastateur sur la population civile et augmente le risque d’une guerre régionale à plus grande échelle. Cessez le soutien au M23 et retirez-vous du territoire de la RDC. »

Alors que le conflit s’intensifie, la pression internationale augmente pour que le Rwanda cesse son soutien au groupe M23. Si le Rwanda continue de soutenir cette offensive, les conséquences seront graves et il aura beaucoup à perdre. Le ministre des Affaires étrangères britannique, David Lammy, a déclaré que l’implication du Rwanda dans l’invasion a mis en péril 1 milliard de dollars d’aide mondiale. Pendant ce temps, la France chercherait à mobiliser le soutien des pays occidentaux pour une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, désignant explicitement le Rwanda comme responsable des attaques.
“Vivre, c’est faire souffrir les autres, et par les autres, se faire souffrir soi-même.” - Albert Camus
Ce que KABA en pense
Tout d’abord, nous tenons à reconnaître la nature sombre de cet article. Notre mission est de promouvoir l’entrepreneuriat en Afrique et de mettre en lumière ses progrès. Cependant, nous croyons également que pour apprécier pleinement les réalisations du continent, il faut considérer la situation dans son ensemble, y compris ses défis.
Cette situation est complexe et pourrait se détériorer davantage dans un avenir proche. Pourtant, en mettant de côté les perspectives géopolitiques, une vérité incontestable demeure : les populations des régions touchées ne méritent pas une telle souffrance. Ces événements soulignent le besoin crucial d’une organisation panafricaine forte et souveraine, comme l’Union africaine, qui manque actuellement de l’influence nécessaire pour résoudre efficacement des conflits d’une telle ampleur.
Cela étant dit, bien que certaines parties de l’Afrique continuent de faire face à des difficultés, le continent dans son ensemble a réalisé des progrès remarquables au cours de la dernière décennie. Il est essentiel de reconnaître à la fois les difficultés et les avancées afin de promouvoir une vision plus équilibrée et éclairée de la trajectoire de l’Afrique.
Écrit par Thomas Viarnaud